J’ai ouï-dire d’un coq qui traversa une rivière, un modeste ruisseau, voire un ru, en s’aidant d’une planche. Plein d’assurance, il allait, patte haut levée, chercher aventure sur l’autre rivage, fier de lui, pensant que le ru était un fleuve et la planche un pont. Ce coq, Matamore était son nom, cousin d’Artaban, ne doutait jamais de rien. Il s’imaginait faire fortune dans le vaste monde qui justement commençait de l’autre côté de l’eau. Et il avait ordonné à ses poules de l’y suivre.

Elles étaient là, une demi-douzaine à hésiter au bord. La première avait posé une patte circonspecte sur cette planche qui semblait bien étroite.

– Allez, vas-y, avance, Josette, caquetaient les poules immobiles derrière elle. Avance, on te suit ! »

Maître Tichon s’interrompt pour croquer un bout de fromage que son assistant lui présente.

« Pendant ce temps, Matamore poursuivait hardiment la traversée du fleuve, enfin, de la rivière, sans plus s’occuper de son harem en perdition.

Josette étant la plus amoureuse, elle s’élança donc et rejoignit le coq au moment où il abordait l’autre rive.

« I did it, I did it ! » caqueta-t-elle bruyamment.

Les autres hésitaient encore puis elles se précipitèrent toutes en même temps. Ce fut un moment de folie et de désarroi.

Mauricette tomba à l’eau la première, suivie de Plombinette, laquelle entraîna Colette, elle-même accrochée à Coquillette, et les trois autres, dont l’histoire n’a pas retenu les noms, prirent le même chemin. L’espérance de vie d’une poule mouillée est nulle finalement ».

Sur ces mots, Maître Tichon remercie l’auditoire et disparaît prestement dans un trou.